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Mais qui était Véloccio ? Texte de Jean Jacques Rolland
mercredi 14 février 2024, par
Mais qui est donc Vélocio ?
Vélocio est partout…
C’est un nom que l’on peut entendre dans de nombreuses circonstances lorsqu’on aborde le monde cyclotouriste
Actualité oblige, Pâques-en-Provence est l’occasion, pour certains grands randonneurs, de réaliser une Flèche Vélocio, de l’Audax Club Parisien. Cela consiste à rouler en direction de l’événement printanier pendant 24 h consécutives depuis un point de départ librement choisi, en équipe de trois à cinq. Il faut accomplir au minimum 360 km dans ce laps de temps, sans contrepartie, pour le simple plaisir de relever un défi. Les Fléchettes et Traces Vélocio, plus récentes et plus accessibles, sont venues compléter le challenge historique.
A l’autre bout de la saison, la concentration nationale du col de Pavezin – Souvenir Vélocio – est un rassemblement d’automne devant la plaque commémorative apposée sur le mur de l’auberge. Elle rappelle que « le Maître » aimait réunir ses amis au sommet de ce col avant la trêve hivernale. Une stèle lui est aussi dédiée au col de la République (dénommé aussi col du Grand-bois), qui domine St-Etienne
Et, peut-être, même si vous avez récemment rejoint les rangs du club, avez-vous, entendu à l’étape, en route ou lors d’une halte, ces recommandations : « Manger avant d’avoir faim, boire avant d’avoir soif », ou « ne pas pédaler par amour propre ». Ce sont deux des sept préceptes édictés par ledit Vélocio pour une pratique heureuse.
Paul de Vivie s’est effacé
Après ces trois signes de notoriété, il est temps de lever le voile : Vélocio est le pseudonyme de Paul de Vivie. Né en 1853 à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse), il est considéré comme le fondateur du mouvement cyclotouriste en France.
Paul de Vivie a exercé ses premières activités professionnelles à St-Etienne, dans le domaine des tissus. Il s’est montré très tôt attiré par le grand Bi, puis par la bicyclette. Voyageant régulièrement en Angleterre pour son travail, il a pu y apprécier le niveau de développement atteint, la qualité de fabrication des cycles, puis l’organisation du monde de la bicyclette naissante. Convaincu de l’avenir prospère qui attendait ce mode de déplacement, il s’est inspiré de ses observations pour promouvoir et développer des structures similaires, dans sa ville d’adoption pour commencer.
Jacques Faizant* décrit très bien son activité débordante, à multiples facettes, ainsi que ses apports : « Vélocio a étudié, modifié, amélioré, inventé, expérimenté, décortiqué, essayé et vendu tout ce qui roule sur deux roues depuis le grand bi jusqu’à la bicyclette actuelle. Il a créé une école, enseigné des disciples, formulé des lois, édicté des commandements, prêché le végétarisme, fondé une revue,… ».
Proposer des machines adaptées aux perspectives qu’il discernait et mettre en pratique ses idées incite Paul de Vivie à ouvrir un atelier de construction de cycles. Il y mène en permanence des recherches et met au point la « bicyclette polymultipliée », c’est-à-dire munie de l’accessoire très commode que nous appelons dérailleur. Cette innovation technique à l’usage des cyclistes de loisir sera adoptée par le monde de la compétition, un transfert suffisamment rare pour être signalé.
Il a aussi inlassablement agi pour structurer l’activité vélocipédique, créant le journal « le cycliste », collaborant à la création du Touring Club de France. Sans oublier nombre d’écrits qu’il trouvait encore le temps de rédiger, sous le nom de Vélocio, évidemment, tout en roulant abondamment pour tester ses idées. On le disait capable d’effectuer des randonnées de 40 h.
Son mode de vie, enfin, le ferait aujourd’hui qualifier d’écologiste. Il prônait, en effet, le retour à une vie saine, une alimentation frugale et encourageait à profiter des joies simples apportées par une activité à sa mesure en contact avec la nature.
« Le Maître », « l’apôtre de la polymultipliée », est décédé accidentellement en 1930, à 77 ans, renversé par un tramway alors qu’il circulait en vélo à St-Etienne. Les monuments qui lui rendent hommage, en particulier en Provence et dans la Loire sont les témoins de la considération qu’il inspirait. Paul de Vivie figure bien entendu en bonne place dans la collection cycles du Musée d’Art et d’Industrie de St-Etienne, mais l’Histoire l’a fait s’effacer derrière Vélocio, penseur d’un système cohérent, qui influence toujours notre activité.
*Jacques Faizant (1918-2006) dessinateur de presse au « Figaro », fut un cyclotouriste passionné et un des piliers de notre Fédération. Il est l’auteur de plusieurs livres. Pour ce qui est du cyclotourisme, « Albina et la bicyclette » et « Albina roule en tête » ont connu un grand retentissement à partir de la fin de la décennie 1960. Ces chroniques cyclistes racontent avec beaucoup d’humour la découverte du cyclotourisme par une jeune américaine résidant en France, son initiation, puis sa passion grandissante jusqu’à la réalisation d’un Versailles-Luchon dans les règles de l’art du voyage itinérant. La citation est extraite du premier volume
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Les sept principes prônés par Vélocio
1. Haltes rares et courtes, afin de ne pas laisser tomber la pression.
2. Repas légers et fréquents : manger avant d’avoir faim, boire avant d’avoir soif.
3. Ne jamais aller jusqu’à la fatigue anormale qui se traduit par le manque d’appétit et de sommeil.
4. Se couvrir avant d’avoir froid, se découvrir avant d’avoir chaud et ne pas craindre d’exposer l’épiderme au soleil, à l’air, à l’eau.
5. Rayer de l’alimentation, au moins en cours de route, le vin, la viande et le tabac.
6. Ne jamais forcer, rester en dedans de ses moyens, surtout pendant les premières heures où l’on est tenté de se dépenser trop parce qu’on se sent plein de forces.
7. Ne jamais pédaler par amour-propre.